Caycedo, les systèmes et le CEAS
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Caycedo a développé et enrichi la Sophrologie depuis sa création. Née dans un monde « médical » thérapeutique il en fait une « pédagogie » adaptée aux soins, au personnel, au social. Il la libère de l’Hypnose, invente pour cela un vocabulaire propre.
La Relaxation dynamique va peu à peu prendre plus d’importance dans cette perspective.
Quand vers 2000 il introduit les systèmes « Isocay » il a vraisemblablement plusieurs buts. Continuer le lien avec les approches orientales que sont les Chakras, permettre une intégration « interne » si je puis dire du schéma corporel. Mettons donc à son crédit ses bonnes intentions dont je ne doute pas. Malheureusement un vice de forme apparait alors : les systèmes sont appelés système Isocay. Ce qui fait qu’il est proposé au sophronisé de détendre ou prendre conscience de son premier ou deuxième… système ISOCAY ! Ce mot contenant de façon implicite celui de Caycédo est une intrusion de type sectaire évidente.

Aussi à cette époque en tant que directeur du CEAS, Ecole reconnue par la Fondation Alfonso Caycédo, j’ai mis en garde Caycédo par courrier sur le risque pris. N’oublions pas qu’une liste de toutes les approches psychologiques, comportementales était testée par le gouvernement et qu’une liste des pratiques autorisées était en gestation. Il s’agissait alors de savoir qui serait autorisé à intervenir en Formation continue tant en entreprise en administrations qu’à l’hôpital afin d’éliminer toutes les dérives sectaires. Le CEAS connaissait bien le dossier car il était responsable de la Formation à la Sophrologie du CHU de Toulouse. Il y avait organisé le congrès Sophrologie Soins Infirmiers (400 Participants) en 1996 sous la présidence du Maire de Toulouse et avait été reçu place du capitole. Nous connaissions bien les enjeux en cours à une époque par ailleurs où la scientologie suscitait les passions.
Notre opposition alors n’était donc pas axée sur le principe des « systèmes » dont on verra plus loin pourtant les inconvénients mais sur la désinence ISOCAY.
Comme on le sait, Mr Caycédo n’a répondu à ma préoccupation légitime qu’en supprimant le CEAS de la liste des Ecoles agréées sans me contacter d’aucune sorte. Ce comportement peu glorieux choqua profondément deux directeurs d’Ecoles qui demandèrent des explications elles-mêmes restées sans réponse. Ainsi l’Ecole de Rennes de Bernard Santerre et celle de Lyon de Christian Gagnaire quittèrent la Fondation. Notons ici que, pour avoir gardé des liens avec d’autres écoles moins soucieuses d’équité mais amies tout de même, j’appris que, si les systèmes étaient nommés, personne ne disait heureusement ISOCAY. Heureuse hypocrisie.
Pourquoi alors ne pas faire pareil ? Plusieurs raisons :
La première : ne pas tricher en évitant le mot, on est caycédien ou non.
La seconde est beaucoup plus profonde : Avec la Sophrologie une personne pouvait vivre son corps sans croyance préalable, sans être obligé de croire en une lecture du corps énergétique ou autre. Tous les mots étaient simples. Je détends mon front, ma mâchoire… Comment peut-on dire en entreprise à un stagiaire, ou à un patient à l’hôpital* de prendre conscience d’un système ! J’aurais aimé qu’un patient, qui, comme Arletty dans ce célèbre passage d’Hôtel du Nord dit à Louis Jouvet « Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère » dise au sophrologue « Est-ce que j’ai une gueule de système ». C’est ce langage d’initiés, de clerc (dont les médecins font bon usage !) que je rejette. Comme il est amusant de noter, que dans la même veine, la sophronisation ne doit plus se pratiquer allongée ! Là encore c’est le déni de la réalité ressentie par les gens du lien entre la détente et la relaxation. Il faut faire savant, faire partie d’une élite qui sait. Au moment où j’écris ces lignes des mouvements nationaux ne rappellent-ils pas aux « élites » leur méconnaissance de la réalité de la vie ?
La troisième me touche moins, mais pour les connaisseurs en pratiques orientales cette répartition géographique n’a pas de sens, ne correspond ni aux chakras ni à aucune lecture territoriale du corps.

Vous êtes sophrologues et j’espère donc que vous vous sentez libre de votre pratique. Dans la notion de système ce qui était intéressant était le lien aux organes internes définis clairement dans les chakras. Evoquer ainsi le dedans du corps est intéressant, varier sa lecture peut l’être aussi. Trouvez vos mots. Dans un groupe que vous menez depuis quelque temps vous pouvez faire passer une approche du type « système » si vous savez la passer, si vous la vivez comme intéressante. Dans les premiers échanges avec un « patient-client » laissez-lui les mots par lesquels il accède à son corps. Ne l’obligez pas à partager une croyance même légitime et bien assumée par vous. Vous êtes à son service et pas à celui de la Sophrologie. C’est une pédagogie et la base de toute pédagogie est d’enseigner avec les mots de l’autre.
Luc Audouin
*n’oubliez pas que j’ai été médecin généraliste 25 ans et qu’à cette époque j’étais attaché de consultation à Henri Mondor chez le Pr Pierquin en Oncologie